This is my story

« Only you know you're a lover when you let her go. »

"Posez vos devoirs sur mon bureau en partant ! Aller, aller c'est fini ! J'ai pas que ça à faire !"

La voix agacée du professeur de littérature résonnait dans la salle de classe encore silencieuse, qui s'empressait de griffonner quelques derniers mots sur leur maigre copie.
Pestant intérieurement contre l'instituteur sadique qui leur avait calé une interrogation surprise particulièrement compliquée, Agnès déposa, comme demandé, sa copie sur le bureau du cinquantenaire qui rangeait déjà ses affaires en réprimandant les étudiants qui écrivaient encore. Elle devait avouer qu'elle ne l'avait pas vu venir celle-là !
La jeune femme repoussa une mèche de cheveux sombre qui barrait son visage fin et inspira un grand coup avant de quitter l'établissement sans dire au revoir à personne. Elle avait passé une mauvaise journée, et en voulait au monde entier. Ça avait commencé dès qu'elle avait ouvert ses volets pour découvrir une rue pluvieuse. Puis son bus était tombé en panne, l'obligeant à se rendre à pied jusqu'à l'école où elle était forcément arrivée en retard et trempée. Après quoi les cours ennuyeux s'étaient enchaînés toute la journée pour finir par cette interrogation déprimante. Heureusement qu'elle avait rendez-vous avec son copain dans leur café préféré, ça lui changerait les idées !

Il était là, à la place habituelle, mais lorsque leurs regards se croisèrent, il ne lui sourit pas. Elle déposa un bref baisé sur ses lèvres puis prit place sans trop s'inquiéter de ce visage sinistre entouré de mèches blondes qui lui faisait face et laissa tomber toutes ses affaires.

"J'ai passé une journée abominable ! D'abord le bus est ..."

Les yeux foncés du jeune homme la fixait sérieusement, beaucoup trop sérieusement. Elle s'interrompit dans son récit et fronça les sourcils en le regardant intensément à son tour, l'interrogeant silencieusement.

"J'ai ... Hum ... Quelque chose d'important à te dire ..."

Agnès se pétrifia, attendant la suite. Il ne s'était jamais comporté ainsi ! Qu'est-ce qui lui arrivait ... ?

"Je crois qu'il vaut mieux qu'on s'arrête là ..."

Son cœur rata un battement.

"Mais ... Mais ... Tu m'as dit hier ... On s'aime ! Pourquoi on devrait arrêter ... ?"

La veille encore, ils marchaient tous les deux mains dans la main, se susurrant des mots doux à l'oreille. Tout leur souriait, ils avaient encore du temps, mais ils avaient déjà choisi les prénoms de leurs futurs enfants : Elien pour un garçon, et Iris pour une fille. Ils auraient aussi une grande maison avec des chevaux une fois qu'ils auraient tous les deux leur diplôme. Même qu'ils achèteraient un voilier pour partir en mer tous les deux, loin de tout.
Qu'est-ce qui lui arrivait soudainement ?!

"J'ai réfléchi ... C'est mieux comme ça, il faut qu'on arrête de se voir ... C'est fini ..."

C'était impossible, elle ne pouvait pas y croire ! C'était lui et elle pour toujours, à quoi il jouait ?!

"Mais tu m'aimes, tu me l'as dit ! Pourquoi tu fais ça !?"

Elle avait haussé le ton. Cette scène ne pouvait pas être réelle, ça ne pouvait pas finir comme ça, sans explication, aussi brusquement.

"Je vais partir, on ne doit jamais se revoir. Jamais. Je ne peux pas t’expliquer …"

Il lui sembla qu'à cet instant elle se prenait un coup de poignard en plein cœur tant ce fut douloureux d'entendre ces mots de la bouche de celui qui était tout pour elle. Son ton était sans appel. Les larmes inondèrent ses joues malgré elle, et elle fut incapable de prononcer le moindre mot.
Le jeune homme se leva maladroitement, frôla les lèvres de l'amour de sa vie, et partit en courant.

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Il courut longtemps, jusqu’à ce que ses jambes refusent de le porter, jusqu’à ce que ses poumons refusent de travailler, jusqu’à ce que son cœur batte tellement vite qu’il menace de le lâcher, jusqu’à ce qu’il s’effondre au sol, en larmes. Elle ne comprendrait jamais, mais il n’avait pas le choix. Il devait partir, aller le plus loin d’elle possible, ne jamais la revoir. Il était trop dangereux …
Durant pas moins d’une heure, il resta prostré au sol, incapable de bouger, à verser toutes les larmes de son corps, ignorant les quelques passants qui le prenait pour un fou. Puis enfin, il se redressa, tremblant, et erra dans sa ville natale, Athènes, regardant à travers ses yeux rougis les bâtiments qu’il n’aurait sans doute plus jamais l’occasion de revoir. Ce soir il partirait. Il ne savait pas encore où, mais il devait partir dans un autre pays, assez loin. Et ne plus revenir. Et ne plus la revoir. Jamais.
De toute façon, avait-il le choix ?

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Du sang, du sang, ça sentait le sang partout, il en avait plein sur lui. A ses pieds, une flaque de sang, sur le couteau qu’il tenait : du sang. Trop de rouge, trop de colère, il s’effondra à côté du cadavre.
Qu’est-ce qu’il faisait là ? A côté d’un homme au visage froid, un homme qu’il ne connaissait même pas ? Pourquoi avait-il dans la main un couteau, un couteau qui avait perforé la peau de la victime à plusieurs endroits, à de nombreux endroits ? Il l’avait … Tué ?
Se redressant brusquement, la maigre silhouette bondit sur ses pieds, son cœur battant la chamade. C’était pas possible, il n’avait pas pu faire ça, il n’avait pas pu le tuer …
Sans réfléchir, il poussa la porte de chez lui et partit à vive allure de chez lui, abandonnant derrière lui le corps sans vie de son beau-père. Il avait pris ses médicaments, ça n’avait pas pu se passer …
Une sirène de police résonna à ses oreilles alors qu’il entamait sa course …
Thaddeus se réveilla en sursaut, trempé de sueur, sous le regard étonné des voyageurs de l'avion. Il avait pris un vol à destination de New York avec les quelques économies qu'il lui restait, et un maigre sandwich. Mais il était certain qu’une nouvelle vie l’attendait dans la métropole américaine.
Une vie loin de ce passé peu glorieux, loin de la nuit qu’il revit chaque soir dans son sommeil … La nuit où il a commis ce meurtre inavoué. Pour protéger les gens qu’il aimait, il ne devait plus jamais les revoir. Il s’en faisait la promesse. Jamais plus il n’aurait d’amis, de foyer, encore moins de famille. Il devait vivre à l’écart. Il se devait de protéger les autres du monstre incontrôlable qui vivait en lui. Celui qui surgissait lorsqu’il était en colère.

Il avait peur. Peur d’être en colère. Peur de ce qu’il pourrait faire.