The City That Never Sleeps
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 All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)

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Thaddeus Ace
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Thaddeus Ace

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MessageSujet: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeDim 18 Jan - 21:00

All monsters are human

The brave man is not he who does not feel afraid, but he who conquers that fear. Δ Nelson Mandela.

Il avait essayé de consulter des psys. Evidemment, de tous les genres : psychiatres, psychologues, psychopathes … Mais rien ne fonctionnait. Chaque jour il se bourrait de médicaments, et chaque jour il se forçait à rester cloîtrer dans le semblant d’appartement qu’il avait trouvé, et à n’en sortir que pour chercher du travail en s’efforçant de communiquer au minimum avec n’importe qui qu’il était amené à croiser. C’était là son quotidien. Et cette situation devait changer, il n’en pouvait plus.
Et alors ? Alors s’il n’en peut plus, il risque de craquer, s’il craque il risque de perdre le contrôle de lui-même. Et cette idée même est encore plus insupportable que de passer sa vie enfermée. Peut-être est-ce ce qu’il devrait faire d’ailleurs. Se rendre à la police, se faire interner dans un asile pour les personnes comme lui et y passer le restant de sa vie. Jusqu’à ce qu’il se pende avec son peignoir tout du moins. Il s’était toujours imaginé que les fous portaient des peignoirs régulièrement. Allez savoir pourquoi … Ce n’est plus vraiment tendance les peignoirs de toute façon, et … Putain. Pourquoi il pensait à ça maintenant ? Franchement ça intéresse qui l’évolution du peignoir à travers les âges ? Surement pas plus de monde que le fait que les inventeurs du trombone sont les Byzantins. Ah non pas l’instrument de musique, le simple petit bout de métal replié sur lui-même. Vous voyez, vous vous en foutez.

« Excusez-moi monsieur … »

Son cœur rata un battement, et il sursauta de tous ses membres. Bordel, il ne s’attendait pas à ça, il ne l’avait même pas vu venir. Elle était dingue, elle !
La secrétaire médicale fronça les sourcils, étonnée, et s’interrompit d’ailleurs. En même temps, qui ne trouverait pas étrange la réaction d’un type qui avait l’air d’avoir 12 ans qui sursaute à son entrée comme le ferait un petit voleur minable surprit à voler une baguette de pain ? En tout cas, elle, elle trouvait ça étrange. Elle ne releva cependant pas et après quelques instants, voyant que le cœur du jeune homme avait repris son cours quasiment normal, elle continua avec une voix professionnelle.

« Vous avez rendez-vous ? »

Une voix professionnelle c’est un compromis entre l’autorité, un sentiment de supériorité évident, l’intention de faire comprendre à la personne en face qu’on est bien le maître des lieux et l’ennui profond. Et en arrière-plan une petite pointe d’hypocrisie qu’on essaye de cacher au mieux, parce que quand même, nous on est payé pour être ici, alors que toi tu payes pour venir. Que tu es stupide. Tu ne sais même pas ce qu’il vaut en plus ce médecin alors que moi si … Est-ce vraiment un médecin d’ailleurs ? Sans doute pas. Sa plaque d’entrée indiquait « Comportementaliste de la peur ». Franchement qu’est-ce qu’il foutait là ? C’est ridicule … Il n’avait qu’une envie, prendre ses jambes à son cou. Pas littéralement hein, il n’était pas assez souple. En fait, il voulait seulement s’enfuir. Il devrait se construire une cabane dans les bois à l’écart du monde entier. Mais ça voudrait dire qu’il serait obligé de rester seul avec lui-même, à ruminer le passé, à pleurer et hurler sans déranger de voisins … Non, il en était incapable, ce serait …

« Monsieur ? »

La voix froide de la secrétaire interrompit le fil de ses pensées. Madame s’impatientait. Elle devait le trouver tellement ridicule. Elle était si soignée, si bien habillée, son maquillage était parfait … Lui était si brouillon, comme un magnifique portrait qui aurait pris la pluie. Ses traits enfantins étaient déformés par les larmes, des cernes semblables à des hématomes hurlaient au monde entier ses nuits d’insomnie, sa maigreur effrayante, ses vêtements abimés, qu’il changeait rarement à cause de son absence complète de revenus, qui l’obligeait assez régulièrement à manger des restes qu’il trouvait abandonné au bord des poubelles ou en plein milieu de la rue les jours de marché. Il n’avait même pas d’argent d’ailleurs ! Mais pire encore, il était …

« Vous êtes sûr que ça va ? »

Ah, là l’hypocrisie dominait, elle avait changé de ton. Pire encore, il faisait pitié. Il lui faisait pitié.

« Oui, oui … Ca va … J’ai pas rendez-vous mais je pensais que … »

Soupir.
Il s’arrêta net, la tête baissée, les joues rougies de honte.

« Le docteur Meryl consulte uniquement sur rendez-vous, et de toute façon il a fini sa journée, vous venez trop tard. »

Ton froid, sans appel.
Plus jamais il ne sortirait de chez lui. Ou au moins pour une semaine. C’était trop dur, le monde était trop cruel. Aujourd’hui, il avait décidé de faire le grand pas en venant consulter, ça faisait trois semaines qu’il se persuadait qu’il allait réussir à expliquer son problème, qu’il allait faire le long trajet de chez lui à ici. Tout ça après avoir lu quelques informations à son sujet sur internet. C’était une folie. Le monde était fou, il allait rentrer chez lui. Tout de suite. Il ne reviendrait plus jamais, c’était certain !

« C’est pas grave … »

A vrai dire, ce n’était pas littéralement ce qu’il avait prononcé. Il avait plutôt articulé, voir désarticulé même, un balbutiement ressemblant à « C’est pas grave … » mais qui se traduirait plus judicieusement à l’écrit par « C’pa gr … ». Or pour faciliter la compréhension, nous admettrons l’emploi de l’expression grammaticalement fausse « C’est pas grave … ».
Il se leva rapidement et se dirigea vers la sortie en regardant ses pieds sous le regard hautain de la secrétaire qui s’avançait au fond de la salle d’attente pour fermer le store. Vite, vite, elle avait le dos tourné, c’était le moment de s’enf … PAM.
Il avait ouvert la porte à la volée. En même temps que quelqu’un d’autre, et cette personne, il l’avait heurté de plein fouet, s’étalant par terre sous le coup de la surprise. La secrétaire leva les yeux au ciel. Lui releva la tête, encore plus rouge que quelques instants plus tôt pour découvrir un homme blond d’une trentaine d’années semblant parfaitement à son aise.

« Par … Pardon … Je m’en allais … Par … Pardon … »

Il se releva maladroitement, chancelant, et amorça un pas vers la sortie.
Pitoyable.
C’était ça le mot qu’il écrirait dans son journal intime ce soir. Pas besoin de phrases, il le résumait entièrement.
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Jonathan Meryl
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Jonathan Meryl

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MessageSujet: Re: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeMar 20 Jan - 22:54

Accueillir une de ses victimes dans son cabinet quand on est phobophile, c'est un peu comme inviter son ex petite amie chez soi, juste après avoir rompu avec elle de la moins élégante des façons. Comme si on avait attendu d'avoir copulé une dernière fois (oui le verbe est bien choisi), sans la moindre passion, juste histoire de, sans rien lui dire, avant de la larguer comme une merde et de la foutre dehors, à poil, sur le pas de la porte. Oui, cela résume bien mon état d'esprit là tout de suite.

Fleur est une jeune femme charmante, dans la trentaine. Beaux cheveux châtains, des yeux verts à vous faire craquer, et une très belle situation. Dans d'autres circonstances, ou plutôt si j'étais quelqu'un d'autre, j'aurais sûrement profité de sa présence dans mon cabinet pour l'inviter à dîner, un de ces soirs. Mais non, je n'en avais pas envie, et après ce qui c'était passé, je ne pourrai jamais dîner avec elle sans finir par m'attraper la tête par les cheveux pour me la cogner violemment contre la table. J'ai une conscience, tout de même.

Fleur était venue me voir pour la première fois il y a 3 mois de ça, pour une claustrophobie vraiment poussée. Elle en était arrivée à être frappée de crises de panique dans les transports en commun, alors même que la simple perspective d'être assise dans une voiture ou debout dans un ascenseur la faisait tourner de l’œil. Après cinq ou six séances, elle gérait déjà nettement mieux les choses. Malheureusement pour Fleur, si mon habituel côté sociable avait beaucoup de respect et de sympathie pour elle, la part sombre de ma personnalité l'avait toute désigné comme une cible de choix. Et c'était donc sans surprise que la semaine dernière, j'étais allé lui rendre une petite visite nocturne dans mon habit de scène.

"Docteur, je suis au bout du rouleau."

En général, quand ça commence comme ça, je sais que je vais pouvoir changer de voiture à la fin du mois ... Je me giflais mentalement pour avoir laissé cette pensée se glisser au milieu de la détresse de cette pauvre jeune femme.

"Je le vois tout le temps ... TOUT-LE-TEMPS. Je ne dors quasiment plus, et quand j'arrive enfin à fermer les yeux, je le vois encore, dans des cauchemars horribles. J'ai essayé mes antidépresseurs, des somnifères, mais rien à faire, je vois ce clown tout le temps."

J'avais soigné sa claustrophobie pour mieux l'infecter avec une coulrophobie. Je me détestais, et le travail pour la soigner maintenant allait être dantesque. Et malgré ça, dès qu'elle prononçait un mot, dès qu'elle parlait de moi sans le savoir, je ressentais ce plaisir coupable me chatouiller le ventre. C'était comme entendre un torrent de compliments tous plus flatteurs les uns que les autres. Une sensation très agréable, qui prenait largement le dessus sur mes problèmes de conscience.


"Fleur, essayez de vous calmer. Réexpliquez moi lentement comment les choses se sont passées exactement. Soyez détendue, vous êtes en sécurité, personne ne vous veut du mal ici."

Fleur ne percevait pas l'hypocrisie derrière la sincérité, mais après tout qui pourrait voir à travers ce paradoxe qui me sert d'esprit. Elle s'étendit sur le fauteuil duchesse, un peu crispée, fixant le plafond les poings serrés. Les yeux ouverts, elle commença à me raconter, comme si elle lisait directement dans ses souvenirs :

"Je rentrais des courses ... j'avais les bras chargés ... Et pour reprendre un de nos exercices j'ai pris l'ascenseur, histoire de me faire violence ... contre ma claustrophobie, vous savez. Quand je suis arrivé à mon étage ... je veux dire, l'étage où j'habite, et bien le couloir était plongé dans le noir, mais j'avais l'habitude, l'interrupteur est sur le mur un peu plus loin après la cage d'ascenseur. Alors je suis sortie, sans rien craindre ... Je suis tellement naïve ... Tellement stupide ... "

Je prenais des notes (ou faisait très bien semblant) à mesure que les mots s'enchaînaient. J'avais toujours ces papillons dans mon ventre qui rendaient le récit de cette pauvre jeune femme tellement plaisant. Ses yeux étaient réfugiés vers le plafond à tel point qu'elle ne devinait pas le petit sourire vissé sur mon visage, que je luttais pour essayer de masquer, sans vraiment y parvenir.

"Shhh shhh, ne soyez pas trop dure avec vous même, vous êtes une victime Fleur, vous ne méritez pas ce qui vous est arrivé. Poursuivez, je vous en prie ... "

Elle prit une profonde inspiration, ça devenait dur d'en parler pour elle, je sentais les sanglots se dessiner dans sa voix, et je n'avais pas besoin de la regarder pour savoir que ses yeux étaient en train de se gonfler de larmes.

"Oui ... J'étais dans le noir donc ... J'allais vers l'interrupteur ... J'avais les bras chargés, alors j'essayais d'appuyer dessus, à tâtons dans le couloir ... Et c'est là que ... Que cette tête est apparue, à la lumière d'une espèce d'énorme lampe de poche. J'ai cru que mon cœur allait exploser. Et ce clown, je voyais que son visage, il était horrible, ses yeux ... ses yeux Oh mon Dieu ..."

Ah, voilà les larmes et les sanglots, je vous l'avais dit. Pendant ce temps moi, j'étais au 7ème ciel. J'avais l'impression de tout revivre une seconde fois ... jouissif.

"Et ce connard, non content de m'effrayer dans le noir ... il hurlait, il hurlait à plein poumons dans mes oreilles. J'ai fais tomber toutes les courses, je me suis vautré par terre, dans les œufs, la crème ... Puis la lumière s'est rallumée, je l'ai juste vu fuir par la cage d'escaliers. Mes voisins sont sortis de chez eux, ils m'ont trouvé par terre, dans le couloir. J'étais humiliée. Très humiliée."

J'avais chaud, très chaud. Il fallait que j'arrête tout ça avant de perdre le contrôle de moi-même.

"Je suis conscient que tout ceci a été très éprouvant pour vous. A la lumière de ... Pardon, compte tenu de ce que vous m'avez dit, je vais essayer de redéfinir un protocole pour vous aider à y voir plus cl ... A aller mieux, le plus rapidement possible. En attendant, je vous autorise à doubler les doses d'antidépresseurs, mais sur une durée de cinq jours maximum, jusqu'à notre prochain rendez-vous."

Fleur se leva, me remercia en séchant ses larmes, puis quitta mon cabinet pour rejoindre le hall d'accueil où l'attendait ma secrétaire. Une fois la porte fermée, je tirai quelques mouchoirs de la boîte posée sur la table basse pour m'éponger le front. Pfiou, c'était pas loin, mais qu'est-ce que c'était bon. Je décida que la journée devait s'arrêter sur une note positive. Je me giflai une nouvelle fois mentalement pour avoir osé qualifié la souffrance de Fleur de "note positive".

Je mis un peu d'ordre dans mes notes, ferma les volets, réarrangea la position de mon fauteuil par rapport au duchesse, puis attrapa ma veste pour l'enfiler. Je sortis du cabinet, ma secrétaire ne semblait pas prête à décoller.

"On fait des heures supplémentaires Estelle ?"

Elle me regarda en souriant.

- Non non Docteur, je termine juste ce que j'ai commencé et je m'en vais.

"A la bonne heure."

Je quitta le cabinet et commença à remonter la rue vers l'arrêt de bus, sans remarquer qu'un jeune homme pénétra dans le bâtiment à peine avais-je tourné le dos. J'attendis quelques minutes que le bus arrive, jusqu'à ce que ma main se pose contre la poche de mon manteau, révélant un vide anormal : j'avais oublié mes clés dans mon bureau. J'avais gagné le droit de faire demi-tour.

Lorsque j'ouvris la porte du hall d'accueil de mon cabinet, je sentis que cette dernière était particulièrement légère, sans comprendre tout de suite que quelqu'un de l'autre côté l'avait ouvert en même temps que moi. Une fois la fameuse porte ouverte, je découvris un jeune garçon étalé par terre, face à moi.

« Par … Pardon … Je m’en allais … Par … Pardon … »

Je l'aida à se relever, mais il semblait pressé de partir, comme horriblement gêné par la situation. Je me permis de le retenir par le bras, sans le violenter pour autant.

"Hé attend, ne pars pas si vite. Tu es venu seul ici ? Tu as l'air bien jeune pour venir voir un psy sans être accompagné ..."

Je levai mes yeux vers Estelle ma secrétaire, laquelle se sentit obligée de se justifier

- Il n'a pas de rendez-vous ... et vous étiez déjà parti ...

Finalement je reporta mon attention sur le jeune homme, demandant avant une bienveillance sincère :

"Tu veux t'asseoir pour discuter 5 minutes, juste tous les deux ?"
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Thaddeus Ace
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Thaddeus Ace

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MessageSujet: Re: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeJeu 22 Jan - 23:10

All monster are human

« La souffrance a ses limites, pas la peur. » Δ Arthur Koestler.

La fuite. Vaste mot que la fuite malgré ses une syllabe et demie.
Un psychologue décrirait cet acte comme le comportement par lequel un individu s’éloigne d’un stimulus ou d’une situation actuellement nocifs, ou dont l’individu a précédemment appris la nocivité. Mais dans la vraie vie, l’individu en question n’en a en réalité absolument rien à faire de l’explication de son comportement primitif, il veut seulement se barrer loin. S’enfuir quoi.
Ce n’était plus l’heure de consulter un psy, il y avait renoncé. C’était l’heure d’affronter la rue et ses obstacles, en prêtant attention à ne croiser le regard de personne, à ne parler à personne, à se fondre dans la masse. Puis la corvée du bus, le bus sans ticket, le bus sans argent. La vie de fraudeur est plus complexe que le pensent les quelques abrutis qui ont de la monnaie plein les poches et qui s’amusent à passer outre les lois. Franchement, quel est l’intérêt de faire ça ? Eh les gars, regardez-moi je suis un vrai caïd ! J’ai pas acheté de ticket de bus, groos !

Un apollon prolongea son supplice en lui envoyant bien malgré lui la porte en pleine tête, le ridiculisant un peu plus encore sous le regard brûlant de la secrétaire. C’était ça, ce que lui provoquait le regard scrutateur et désapprobateur de l’employée des lieux : une brûlure. Comme si, armée d’un tisonnier venant de remuer de la braise, elle s’amusait à lui chauffer la nuque jusqu’à l’insupportable. Et ça l’était, insupportable. Fuir n’était plus nécessaire. C’était devenu essentiel. Bientôt il se mettrait à hurler, à hurler trop fort, tellement fort qu’il chasserait tout ce qu’il y a de mieux en lui pour ne laisser qu’un démon au cœur de pierre dans son corps d’enfant. Alors il n’engagerait plus aucune responsabilité quant à ce qu’il pourrait se passer. Comme toutes les autres fois … Surtout la dernière.
Pourquoi était-il comme ça ? Qu’avait-il fait ? Au fond n’avait-il pas toujours eu une once de haine pour tous les gens normaux qui ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont ? Il donnerait tout pour pouvoir revoir Agnès. Elle lui manquait tellement. Peut-être même plus que la vie. Oui, la vie. Il y avait renoncé en quittant le pays après … Après ce qui s’était passé voilà tout. Il avait choisi de vivre comme un reclus de la société pour protéger les autres. Il ne supporterait pas d’être responsable d’un autre accident. Sa conscience le lâcherait définitivement. Si ce n’était pas déjà fait …

Le supposé psychiatre du cabinet lui attrapa le bras. Tous ses muscles se tendirent instinctivement et il recula malgré lui un peu brusquement. Personne ne le touchait, c’était une règle d’or !

"Hé attend, ne pars pas si vite. Tu es venu seul ici ? Tu as l'air bien jeune pour venir voir un psy sans être accompagné ..."

L’attention du docteur se détourna de lui quelques instants. Un peu de répit. Il en profita pour inspirer à fond un coup, calmant son essoufflement parfaitement ridicule en sachant qu’il n’a eu aucune activité physique à l’exception des quelques pas jusqu’à la porte. Il en profita également pour détailler son nouvel interlocuteur plus en détail. Avec son allure de gentleman, ses cheveux dorés et son visage bienveillant, celui-ci semblait avoir tout pour plaire. Il ne lui manquerait que des yeux bleus … Ah non en fait, il ne lui manque rien. Même ses rides semblent lui donner du charme. A son âge, il ne devait surement pas avoir l’air d’un gamin de 12 ans lui. « Trop de perfection tue la perfection » ne serait finalement qu’un proverbe ridicule inventé par d’éternels jaloux. Les gens comme lui n’en demeuraient pas pour le moins agaçants.

"Tu veux t'asseoir pour discuter 5 minutes, juste tous les deux ?"

Discuter ?!
Fuir …
Discuter …

Mais putain, t’es venu pourquoi au juste ? Te ridiculiser devant une connasse et repartir en chouignant ? Montre que t’es un homme bordel !
Ou fais semblant au moins …

Le patient pour quelques minutes hocha la tête, admirant intérieurement ce courage qu’il avait eu. Le docteur, en parfait professionnel, décidément, lui indiqua la salle de consultation. Les jambes frêles, les mains tremblantes et le cœur battant la chamade, il suivit timidement la caricature de l’acteur de série à succès. Mais il s’arrêta dans l’entrée, dès que la porte fut fermée. Avec un accent grec, témoignage évident de sa nationalité, il précisa d’abord un point essentiel d’une voix hésitante, fixant le cuir usé de ses chaussures.

« Je … J’ai 19 ans … Je suis plus vieux que j’en ai l’air … Je sais … »

Puis inspirant à fond, il s’appuya contre le mur, se tenant pour ne pas tomber. Il devait le dire, ça lui pesait trop. Ses jambes ne le soutenaient plus, son cœur menaçait de rompre, son cerveau bouillonnait, ses sens se mélangeaient.

« Je suis un monstre. »

C’était une réalité. Il le savait. Mais seul, il ne pouvait plus lutter, il avait besoin d’aide. Besoin de SON aide. Sa phobie n’avait rien à voir avec celles des autres. La plupart des gens ont peur des araignées, des serpents, des fantômes, des clowns ou du noir. Les plus originaux ont peur du Père Noël ou des grands-mères poussant des cadis de supermarché. Tous esquivent leur peur. Mais lui, il ne le peut pas.
Il releva la tête, ses yeux sombres embués de larmes.

« J’ai peur de moi … Aidez-moi … »

Qui aurait soupçonné que le jeune homme vouté, en larmes, appuyé contre le mur puisse un jour avoir poignardé un homme ? Personne ne songerait que le sang a coulé sur ses mains, et que la partie sombre de son âme qui se rie de lui à longueur de temps a éprouvé du plaisir à tuer. A éteindre la flamme vive au fond du regard du cadavre à ses pieds. Mais après tout, tous les monstres sont humains.
Il avait beau avoir fui, avoir traversé un immense océan, la réalité lui sautait aux yeux : il ne pouvait fuir la chose effrayante qui assombrissait toutes ses pensées.
Il ne pouvait pas se fuir lui-même.
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Jonathan Meryl
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Jonathan Meryl

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MessageSujet: Re: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeLun 26 Jan - 13:19









« J’ai peur de moi … Aidez-moi … »

Je sentis mes yeux s'écarquiller malgré moi. Des patients, j'en avais vu défiler dans mon cabinet. Des peurs de toutes sortes, en tous genres, des plus communes aux plus bizarres, j'en avais vraiment vu de toutes les couleurs. Mais un jeune homme de 19 ans qui en paraissait sept de moins, avec un accent grec, qui se pose dans mon bureau et me dit les yeux en larmes qu'il est un monstre et qu'il a peur de lui-même ... Là je dois avouer que c'était de l'inédit pour moi.

Je compris que ça n'allait pas durer cinq minutes, et qu'il était inutile de compter les heures supplémentaires ce soir. Ce garçon n'allait pas payer, c'était sûr. Même s'il en avait les moyens, même s'il insistait, je refuserais. J'enlevai ma redingote et l'accrocha sur le porte-manteaux à l'entrée du cabinet.

Je ferma la porte de mon cabinet, prenant soin de dire à Estelle qu'elle ne devait pas trop tarder et qu'elle n'avait pas besoin d'attendre que nous ayons fini pour s'en aller. Je préférais le lui dire, Estelle était du genre à faire des heures supplémentaires pour se faire bien voir, même si je lui répétais sans cesse que je n'aurais jamais une mauvaise image d'elle.

Nous étions maintenant seuls dans mon cabinet. J'indiquai le duchesse à mon nouveau meilleur ami d'un geste amical de la main, l'invitant à s'y installer.


« Installe-toi, je t'en prie. Ce sera plus confortable que de rester vouté contre le mur, sauf si tu insistes vraiment pour rester debout. »

Je m'avança vers mon bureau et sortit ma plus belle plume, celle des grands jours, ainsi que mon cahier de notes relié en cuire, puis m'installa sur le fauteuil adjacent au duchesse. En regardant ce jeune homme, je ne pouvais m'empêcher de tracer des parallèles avec ma propre situation. Me dire que je suis un monstre, avoir peur de mon côté le plus sombre, c'étaient des sentiments familiers pour moi. J'avais hâte d'écouter tout ce qu'il pouvait avoir à me dire.

J'entamai le dialogue, parlant sur un ton détendu, serein, et amical :


« Alors, commençons par nous présenter l'un à l'autre, veux-tu ? Déjà est-ce que ça te va si je te tutoie ? Tu peux me tutoyer aussi, pas de problème. Je m'appelle Jonathan,  Jonathan Meryl. Quand j'étais jeune, j'avais des problèmes avec la peur, la peur que je pouvais éprouver ou celle que je pouvais voir chez les autres. C'est ça qui m'a amené ici, avant j'étais victime de la peur, maintenant j'aide les autres. Non pas systématiquement à se débarrasser de leur peur, des fois ce n'est pas possible, mais plutôt à vivre avec. »

Je marqua une pause, le temps pour le jeune homme d'absorber ce que je venais de lui raconter.

« Voilà, tu en sais un peu plus sur moi, maintenant à toi de m'en dire un peu plus sur toi. »




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Thaddeus Ace
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Thaddeus Ace

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MessageSujet: Re: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeJeu 29 Jan - 0:43

All monster are human

« Les rues sont pleines d'obsédés, de schizophrènes et de paranoïaques qui promènent leurs tics et leurs idées fixes comme d'autres sortent leur chien.  »  Δ Philippe Bouvard.

La réaction de son interlocuteur fut l’étonnement. Bien sûr … Evidement … Il était stupide de lui avoir présenté la chose ainsi. N’importe qui de censé le prendrait pour un fou. Pour ce qu’il est en bref.
Avait-il seulement déjà eu affaire à un cas comme le sien ? En existe-t-il beaucoup ? Si ça se trouve les malades dans son genre vivent en communauté dans un pays au nom imprononçable et il allait lui proposer de prendre un billet d’avion pour cette destination. Comme les lépreux. Quoi ? C’est dans les films que les lépreux vivent tous en communauté comme ça ? Mais non, ça doit bien exister des villages de lépreux, ne soyez pas ridicules !
Un psychiatre devait être confronté à toutes sortes de gens. Des dépressifs, des incapables, des génies, des psychopathes … Il devrait être préparé à tout. Sauf peut-être un gosse ayant traversé l’Atlantique qui débarque à la tombée de la nuit dans son cabinet pour lui annoncer qu’il est un monstre ne sachant que faire de lui-même. Certes, présenté comme ça c’était atypique. Mais derrière chaque monstre il y a une âme humaine parfaitement saine d’esprit. Non ? Mais si … Surement que si … Arrête de me contredire !
D’où lui venait cette manie de se parler à lui-même dans sa tête ? De débattre sans cesse ? C’était son double maléfique en lui qui lui répondait sans cesse, tâchant de contredire tout ce qu’il croyait connaître ? Ou alors était-il simplement devenu fou à force de ne plus avoir aucun contact humain ? Il était déjà fou avant, certes. L’asile je vous dis … Attends, c’est pas en prison qu’ils vont les meurtriers ? Heureusement qu’il est allé dans un Etat où la peine de mort est inapplicable.

Thaddeus essuya maladroitement ses larmes qui continuaient de ruisseler sur ses joues avec la manche trop longue de la guenille difforme et sale qui lui servait de vêtement, tout en tentant de se calmer un peu.
Le médecin, quant à lui, s’était mis à s’agiter sous le regard embué du jeune homme. Il accrocha au porte-manteau une veste qui devait coûter une fortune avant de s’adresser au tyran qui lui servait de secrétaire. Elle pouvait partir avant qu’ils aient fini … Ils avaient donc prévu de le garder longtemps ? Oh non, il faisait une erreur, il perdait son temps … Il n’avait même pas d’argent pour payer ! Il ne pouvait pas le laisser croire qu’il était un potentiel client. Il allait le balancer aux flics à se pointer comme ça sans rien !
La porte se referma derrière lui. Maintenant, il fallait lui dire maintenant. Il s’apprêtait à ouvrir la bouche quand son interlocuteur, avec le visage de quelqu’un semblant avoir gagné le jackpot à la loterie lui indiqua de prendre place sur le fameux fauteuil de psy. Pourquoi faisait-il ça ? Il aurait dû le mettre à la porte depuis longtemps. C’était peut-être son ange gardien ? Après tout il avait bien la couleur de cheveux, le sourire et les bouclettes de l’ange Gabriel. Dieu que je suis stupide. Ces conneries n’existent pas, et si une quelconque divinité supervise ma vie, jusqu’à maintenant c’était plutôt un ange déchu qu’un ange gardien. Et honnêtement, l’homme en face de lui n’avait pas le profil du diable. Il faut arrêter de voir le mal partout …

« J … »

« Installe-toi, je t'en prie. Ce sera plus confortable que de rester vouté contre le mur, sauf si tu insistes vraiment pour rester debout. »

La voix faible du grec fut coupée par celle assurée de son interlocuteur l’invitant à s’asseoir. Il n’avait certainement même pas dû se rendre compte qu’il avait interrompu la phrase idiote qu’il allait prononcer.
Le seul autre occupant physique de la pièce lui tourna le dos pour sortir ses affaires avant de s’installer à côté de la duchesse. La gorge nouée, le garçon s’assit maladroitement sur le fauteuil, mal à l’aise. Que pouvait-il bien penser de lui en le regardant ainsi ?

« J … »

« Alors, commençons par nous présenter l'un à l'autre, veux-tu ? »

Putain ! C’est pas vrai, il ne comprenait donc pas ? Il ne voyait pas dans quel état il était ? Il avait l’air d’un type capable de payer une consultation dans un cabinet de psy à Manhattan ? La situation était absurde !

« Déjà est-ce que ça te va si je te tutoie ? Tu peux me tutoyer aussi, pas de problème. »

Personne ne l’avait jamais vouvoyé. Enfin jamais en utilisant naturellement le vouvoiement. Les seules personnes qui l’ont fait étaient obligées. Mais personne ne l’avait jamais considéré comme un adulte à part entière à qui on devait le respect.
Il se faisait des idées, ce type n’était peut-être pas en train de lui dire qu’il avait l’air d’avoir 12 ans et que vouvoyer un enfant lui ferait bizarre. C’était peut-être simplement pour établir un contact plus … Intime. Même si clairement ce mot était chelou utilisé comme ça. Un psychiatre qui avait un site internet aussi bien foutu ne pouvait pas être aussi peu professionnel. C’était forcément la deuxième solution qui était la bonne, oui ça devait être ça.
Et puis finalement, qu’il le tutoie ou le vouvoie, ça n’a aucune importance non ?

« Je m'appelle Jonathan,  Jonathan Meryl. Quand j'étais jeune, j'avais des problèmes avec la peur, la peur que je pouvais éprouver ou celle que je pouvais voir chez les autres. C'est ça qui m'a amené ici, avant j'étais victime de la peur, maintenant j'aide les autres. Non pas systématiquement à se débarrasser de leur peur, des fois ce n'est pas possible, mais plutôt à vivre avec. »

Justement se débarrasser de sa peur, c’était impossible. Vivre avec ? On ne peut pas supporter de vivre dans la crainte d’assassiner une innocente mamie à l’arrêt de bus le plus proche. Personne ne peut vivre avec ça. Encore moi lui.
Sa présentation était banale, évidente. Trop normale, presque décevante. Mais il était lui, il n’était pas un fou furieux. Il n’allait tout de même pas lui reprocher d’être normal … C’est absurde. Sauf que malgré ça, le doute subsiste : un type ordinaire est-il seulement capable de le comprendre ? De l’aider ? De se montrer compréhensif sans le juger ? Il ne pouvait s’empêcher de douter malgré lui.

« Voilà, tu en sais un peu plus sur moi, maintenant à toi de m'en dire un peu plus sur toi. »

Et voilà, c’est son tour. A lui de parler, de « se présenter ». C’est tellement plus simple de se présenter quand on est celui qui prend des notes. Il n’avait rien à lui dire, ne pouvait rien lui dire, pas comme ça …
Donne-lui sa chance. C’est peut-être la dernière. Combien de temps vas-tu encore tenir dans cette situation avant de te choper une maladie qui te fera toucher le fond en un temps record ou avant de te foutre en l’air ? Cesse donc d’être si stupide, arrête d’être toi un peu.
D’un ton hésitant, inspirant à fond, les mains tremblantes sur la chaise de consultation, le regard dans le vide, il se présenta :

« Comme vous voulez pour le tutoiement … Je … Je m’appelle Thaddeus … C’est grec … Je viens de là-bas mais je me suis enfui à cause de … »

Ses mains tremblèrent de plus belles, et il passa sa main dans ses cheveux, secouant la tête.

« Je crois que je suis … Hum … Schizophrène … Parfois je … Perds le contrôle et alors … »

Il lui semblait que son cœur tambourinait aussi fort qu’un djembé tant le vacarme était assourdissant dans son crâne. Il en avait même oublié de lui parler de son problème d’argent !
Brusquement, il se releva, mettant pied à terre, croisant timidement le regard du psy en continuant d’une voix un peu plus assurée.

« C’est ridicule, je vous fais perdre votre temps, vous avez sans doute mieux à faire qu'écouter mes conneries. J’ai même pas d’argent, je sais même plus ce que je fais là, c’était stupide de ma part … »

Il ponctua sa phrase d’un mince soupir avant de détourner la tête et d’esquisser un pas vers la sortie.

« Désolé … »

Personne n’aidait bénévolement comme ça un gamin présentant tous les symptômes pour être envoyé à l’asile. Personne. Il était temps qu’il se réveille pour de bon.
Le Père Noël n’existe pas, les miracles non plus.
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Jonathan Meryl
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MessageSujet: Re: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeMar 3 Fév - 18:39









"Laisse cette porte fermée, Thaddeus Le Grec."

J'avais élevé la voix sur un ton plus dur et plus ferme que celui que j'avais utilisé jusque là. Je m'en suis rendu compte seulement après avoir terminé ma phrase. J'avais moi aussi de temps à autre un peu de mal à contenir cette part sombre de ma personnalité, cet espèce d'alter égo affamé de peur qui venait sans doute de reconnaître en la personne de ce jeune grec une nouvelle cible de premier choix. Je posa mon bloc note et mon stylo sur un petit guéridon positionné à côté de mon fauteuil, puis je me leva, et avança vers la bibliothèque. J'enfonçai mes mains dans les poches de mon pantalon de costume, avant de me tourner à nouveau vers Thaddeus :

"De ... l'argent, tu dis ? Pourquoi faire ? J'en ai probablement déjà bien plus que je n'en aurais jamais l'utilité. Les gens qui ont de l'argent équilibrent la balance pour les gens comme toi qui ont besoin de mon aide, mais qui n'ont pas les moyens de payer pour la recevoir. Ma ... condition, m'empêche d'avoir une vie sociale épanouie, basée sur l'honnêteté et la confiance. Je n'ai pas de femme qui m'attend le soir quand je rentre, je n'ai pas d'enfants qui viendraient se jeter dans mes bras quand je passe la porte de mon grand appartement. Je suis aussi seul que tu sembles l'être."

J'avais le ton grave, mais pas mélancolique. Je ne donnais pas l'impression d'être triste, mais cela ne voulait pas dire que je ne l'étais pas. Lentement, je revins me positionner debout derrière mon fauteuil, désignant à nouveau le siège duchesse à l'attention du jeune homme.

"Tu peux rester ici sans débourser le moindre centime, aussi longtemps que tu le jugeras nécessaire. Il y a des gens que je n'ai pas réussi à guérir, qui ont préféré laisser tomber, mais moi je n'ai jamais refusé d'aider qui que ce soit. Et moi, je n'abandonne jamais. Alors on va faire un marché tous les deux : plus tu accepteras de t'ouvrir à moi, et plus j'accepterai de t'en dire sur moi. Comme ça tu pourras mesurer à quel point tu n'es pas seul dans cette espèce de misère qui nous sert à tous de vie."

Je fis le tour de mon fauteuil, en profita pour reprendre mon bloc note et mon stylo, puis me rassis. Je gardais bonne mine, et retrouva un léger sourire bienveillant. Je désigna une nouvelle fois le duchesse :

"Alors, cher Thaddeus Le Grec, pourquoi est-ce que tu penses être schizophrène ?"

Je repensa à un de mes patients, que j'avais suivi par le passé. Allez savoir pourquoi j'ai pensé à celui-ci en particulier à cet instant précis, mais cela m'inspira une petite mesure de précaution.

"Oh, avant qu'on aille plus loin tous les deux. Je vais devenir ton psychiatre dans très peu de temps, ce qui veut dire que je vais avoir le droit d'entrer dans ta tête, pour essayer de voir ce qui ne va pas et pour t'aider. La condition pour que notre marché fonctionne et que notre collaboration soit fructueuse : n'essaye pas d'entrer dans ma tête. Interdiction d'essayer d'inverser les rôles. Maintenant que c'est dit, à toi, lâche tout."




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Thaddeus Ace
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MessageSujet: Re: All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace)   All monsters are human (Jonathan Meryl et Thaddeus Ace) Icon_minitimeVen 6 Mar - 15:24

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« Il n'y a pas d'innocents. Seulement différents degrés de responsabilité.  »  Δ Stieg Larsson (Millénium, Tome 2)

La voix qui résonna derrière lui le fit presque sursauter tant il était aux aguets. Elle était différente. Plus dure, plus profonde. C’était un ordre. Il ne la reconnut pas et fut obligé de se retourner pour vérifier que derrière lui, c’était toujours le même homme qui le fixait avec un intérêt non feint.
Tout le monde a des secrets, mais certains sont plus lourds à porter que d’autres. Ses frêles épaules n’en pouvaient plus, quelqu’un devait l’aider à porter le sac de la culpabilité qu’il ne quittait pas un seul instant.
L’homme en face de lui changea d’attitude, abandonnant son rôle de psychiatre studieux en même temps que son bloc-notes, avant de faire quelques pas. Il planta ses mains dans ses poches sous le regard du jeune garçon. Pendant un instant, il vit le père qu’il n’avait jamais eu à ses côtés. Pourquoi sa mère n’avait jamais choisi des beaux-pères dignes de ce nom, qui n’étaient ni violents, ni profiteurs, ni alcooliques, ni complètement débiles ? Il avait toujours rêvé d’un père idéal, de lire de l’intérêt dans les yeux de quelqu’un, d’exister pour quelqu’un. Et lui, il avait une façon de le regarder …

Tous les psys, du moins les bons étaient fous. Avez-vous déjà croisé un psychiatre, psychologue ou psychopathe digne de ce nom être censé ? Bien sûr que non. Il fallait être un malade mental, un dingue qui absorbe le malheur des autres sans broncher. Il faut offrir de sa personne à l’autre en l’échange d’un peu d’argent. Enfin dans ce cas précis, en échange de rien du tout. Pourquoi ? Pourquoi faisait-il ça ? Est-ce qu’il avait un jour été un gamin abandonné ? Est-ce qu’il voyait en lui un moyen de combler sa solitude ?
Impossible à déterminer. Il semblait si … Abandonné à cet instant que tout soupçon s’échappa de l’esprit torturé du garçon. Il devait lui faire confiance. Il esquissa un pas vers la duchesse qu’il lui désignait. Quand la vie te tend les bras, tu ne lui tournes pas le dos.

Il ne l’abandonnerait pas. Jusqu’au bout il serait avec lui, il venait de lui promettre. Il lui sembla que son cœur bondissait dans sa poitrine à cet instant, fou de bonheur. Le hasard l’avait mené auprès de cette âme bienveillante. Après lui avoir annoncé les règles du jeu, il regagna sa place. Assis sur le fauteuil, le propriétaire des lieux reprit une attitude professionnelle.
Sur un signe, il revient s’installer docilement, reprenant son rôle de patient.

"Alors, cher Thaddeus Le Grec, pourquoi est-ce que tu penses être schizophrène ?"

Pourquoi pensait-il être schizophrène ? En voilà une question. Des images défilèrent dans sa tête et il songea à tous ces indices évidents. Des preuves flagrantes d’un disfonctionnement de son …
Le médecin arrêta le fil de ses pensées.
Mais pourquoi essayerait-il de rentrer dans sa tête ? Bon il n’avait pas la moindre idée de comment se passait un rendez-vous chez un psychiatre, mais aux dernières nouvelles, il lui suffisait de répondre aux questions. Il ne se voyait pas en demander plus …
Bon. Pourquoi était-il schizophrène ?

« Il m’est arrivé de faire … »

Il marqua une pause, la gorge sèche et toussota avant de reprendre d’une voix mal assurée.

« … des choses horribles. »

Sur la défensive, il se justifia rapidement, d’une voix précipitée.

« Mais je ne l’ai jamais voulu, je ne suis pas comme ça. C’est comme si je rêvais, rien ne semble réel, tout est flou et confus. Puis je me réveille, et je comprends que … »

Sa voix se brisa alors qu’il lui sembla que le sang de son beau-père coule encore sur ses doigts enfantins.

« … Que c’est moi qui aie fait ça, toutes ces choses, sans que je n’ai rien pu faire pour les arrêter, sans que je veuille que tout ça arrive. »

Il continua sur sa lancée, avec un besoin de parler évident. Il n’avait jamais raconté à personne ce qu’il avouait maintenant sans rien dire en même temps

« J’ai peur que ça recommence, que je perde le contrôle et que je fasse du mal à quelqu’un. »

Il soupira en jouant nerveusement avec ses doigts, sa voix emprunte de tristesse.

« J’ai essayé de fuir … Mais je peux pas … J’en peux plus de ne plus voir personne par peur de faire du mal à quelqu’un … »

Il ne voulait rien lui dire de compromettant, il pourrait réutiliser ça contre lui non ?

« Même si je paye pas … Et que du coup je sais pas si c’est une vraie consultation … Vous êtes bien sous le secret médical ? »

D’une voix résignée, il lui demanda simplement :

« Est-ce que vous allez … Me faire interner chez les fous ou m’enfermer quelque part ? »

Il avait réfléchi, il ne voyait pas ce qu’on pouvait lui proposer d’autres. Les traitements n’avaient jamais fonctionné, que pouvait un psychiatre ? Le consoler ? Pourquoi faire ? Il ne put s’empêcher de poser sa question, en ponctuant le tout d’une note d’espoir.

« C’est la seule solution, non … ? »
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